Nose on the Road : un tour du monde olfactif
Publié le 31/05/2020
Théo et Isabelle sont tous les deux diplômés de l'ISIPCA Versailles, une grande école des métiers du parfum, de la cosmétique et des arômes. Après un bac S tous les deux, Isabelle a suivi une licence de chimie tandis que Théo faisait ses études dans une classe universitaire préparatoire. La page d'accueil de leur site les décrira mieux que moi :

Nous sommes apprentis parfumeurs et avons deux passions : la parfumerie et le voyage. De ces deux passions est né Nose on the road, notre projet de tour du monde olfactif ! Nous avons décidé de partir plus d'un an à la découverte d'une quinzaine de pays et notre projet consiste à aller découvrir les matières premières de parfumerie dans ces différents pays. L'objectif est de rencontrer les producteurs, d'aller voir les cultures, les extractions dans les usines, sentir les différentes qualités de matières premières... Le but de ce voyage est également de répertorier sur notre site web toutes les odeurs auxquelles nous serons confrontés, que ce soit les épices, les fruits, les fleurs ect. Nous attacherons aussi beaucoup d'importance durant ce voyage à l'aspect culinaire, et nous souhaitons découvrir et répertorier toutes les spécialités gastronomiques des populations rencontrées.
Bonjour ! Est-ce que vous pourriez me dire en quoi consiste le métier de parfumeur ?
T : La parfumerie c’est tout ce qui est produit parfumé, produits pour la peau, crèmes, bougies, gel douche… Ça consiste à mélanger des matières premières synthétiques et naturelles.
I : Mélanger des matières en parfumerie c’est aussi créer une émotion, une ambiance. Il y a un côté artistique dans tout ça. Les matières premières par exemple procurent beaucoup d’émotion, il faut y aller en profondeur, comprendre d’où elle viennent. C’est pour ça qu’on a voulu rencontrer les producteurs.
T : On voulait sentir les fleurs, les bois, les épices avant extraction… A l’école quand on sent directement en flacon, l’odeur n’est pas identique.
Donc, découvrir les matières premières, c’était l’une des raisons de votre voyage. Vous en aviez d’autres ?
T : On voulait comprendre les processus d’extraction, voir comment ça se passait en vrai, sentir la matière à toutes ses étapes, et rencontrer les producteurs. On voulait aussi découvrir de nouvelles odeurs pour développer notre créativité et notre imagination.
I : Jusqu’à présent on a fait 6 mois de voyage, et la découverte de senteurs pas encore utilisées, c’était super intéressant.
Vous pourriez nous raconter un ou des expériences marquantes de vos voyages ?
I : Notre voyage a commencé à Madagascar, on a eu la chance de pouvoir passer une semaine dans un village malgache qui fonctionnait en totale autonomie avec leurs rizières leurs poules. C’était vraiment hyper intéressant de partager cette vie avec les habitants, et très riche en odeur.
T : C’est un producteur qui nous a accueillis. Il possédait ses propres champs de vanille et de mandariniers.
I : Dans ce village on passait tous les jours devant des arbres de café en fleur, et tous les jours on s’arrêtait tellement l’odeur était exceptionnelle, complexe et harmonieuse. On a été particulièrement marqués par cette odeur en particulier.
Mais au fait, comment vous vous êtes retrouvés dans ce village ? Par hasard ?
I : On a fait un gros travail sur la prise de contact. Les petits producteurs n’ont pas de sites internet. On est donc allés à un salon pour les matières premières pour rencontrer davantage de gens. C’est comme ça qu’on a rencontré un gérant d’une grosse entreprise qui achetait ses matières premières au producteur qu’on a rencontré, et qui nous a mis en relation.
T : On peut pas y aller juste comme ça, il faut se préparer à l’avance. Par exemple au Laos on a rencontré un contact renommé qui nous a fait visiter ses lieux de production mais on avait l’interdiction de prendre des photos et d’en parler sur le blog.
Comment vous est venue cette idée de blog ?
T : On avait envie de partager des découvertes. On voulait poursuivre un but un peu plus grand, et le blog représentait un défi supplémentaire. Ça nous a demandé beaucoup de travail mais ça nous permettait de rester dans un cadre professionnel, pour ne pas se passer de la rigueur.
I : Quand on rencontrait des producteurs ça nous poussait à aller plus loin parce qu’on avait dans la tête l’idée de l’article. En plus toutes ces infos qu’on recevait il fallait bien les mettre quelque part, et le blog permet de tout condenser en un même endroit.
T : Le domaine de la parfumerie est très petit, avec seulement une centaine de parfumeurs, donc le but c’est aussi de faire connaître notre projet. Comme ça, on se met en avant.
[ndlr : et tout ça c’est sans compter leur chaîne youtube, leur instagram, les recettes qu’ils partagent...]
Qu’est-ce que vous emportez avec vous durant vos voyages ? Sachant que vous vouliez partir deux ans en tout, de quelles affaires aviez-vous besoin ?
T : On avait deux gros sacs à dos, de 50 litres pour Isabelle et de 60 litres pour moi.
I : On avait aussi des petits sacs à dos pour la vie de tous les jours, quand on marchait. Il a fallu tout peser à la balance. Ça a demandé beaucoup de travail en amont et il a fallu se restreindre. On n’a finalement manqué de rien, et comme ça ce n’était pas trop lourd.
T : Tous les trois jours il fallait refaire nos sacs pour repartir, on devait donc vraiment faire attention à ce qu’on emportait. Dans nos sacs il y avait des pochettes adaptées. On a pris toutes nos photos au smartphone, qui faisait des photos correctes. On ne pouvait pas prendre d’appareil photo. On avait aussi une go pro et un petit ordinateur qui faisait aussi tablette. Ce n’était pas pratique au quotidien pour le boulot, mais ça allait.
Qu’est ce que vous diriez à des jeunes qui voudraient se lancer dans un projet un peu similaire ?
T : Pour moi c’est une étape décisive dans l’évolution personnelle, qui nous apprend énormément de choses.
I : En 6 mois on a énormément évolué personnellement et dans nos modes de vies et on est devenus des personnes très différentes. Le voyage donne des bases qui sont hyper importantes pour évoluer. C’est bien de le faire jeune pour s’ouvrir assez tôt au monde mais il faut vraiment être prêt psychologiquement et être ouvert d’esprit sur tout.
T : Il ne faut pas aller dans un pays et vouloir que ce soit exactement comme la France. En tout cas ce n’était pas ça qu’on cherchait.
I : Il faut se dire qu’on va voir des choses complètement différentes de notre quotidien. Il faut être prêt à sortir de sa zone de confort et à s’adapter. Le maître mot c’est de rester OUVERT. Par exemple en Inde tout est nouveau, c’est différent mais ça ne veut pas dire que c’est nécessairement mauvais, au contraire, ce sont simplement des choses nouvelles.
T : Je pense que si on a la possibilité de partir, il faut le faire. C’est une étape importante qui apporte tellement ! On peut se chercher des excuses, par exemple en se disant que financièrement on ne peut pas suivre. Mais quand Isabelle et moi on parle de notre budget les gens sont surpris. C’est conséquent sans être inatteignable. On se fait beaucoup de fausses idées sur la somme nécessaire.
I : On avait un budget très fixe, on a tout calculé à l’avance. On avait un excel pour chaque catégorie : les vaccins, les visas, les vols, les dépenses globales, le budget quotidien en fonction du pays (par exemple, 18 euros en Inde contre 45 euros en Nouvelle Zélande). Pour le moment nos calculs sont assez exacts.
T : On s’est beaucoup inspiré de site comme celui de tourdumondiste, qu’on appelle la Bible entre nous (https://www.tourdumondiste.com/ ). On a mis de l’argent de côté ces dernières années vu qu’on travaillait en alternance.
I : Aussi, le budget dépend de ce dont on a envie. Sur place on s’adapte, par exemple avec les logements : en Asie, ce n’était pas très cher.
Comment vous avez vécu la crise du COVID-19, qui a interrompu votre voyage pour le moment ?
I : On était complètement coupés de tout ça au début. On était en randonnée au Népal et on n’avait aucun accès à Internet parce qu’il n’y avait pas de réseau. Ça nous est tombé dessus d’un coup, on réalisait pas ce qu’il s’était passé. En dix jours, beaucoup de choses avaient changé. Avant de rentrer en France on est d’abord allés aux Philippines. On voulait y rester deux mois, mais très vite on a vu que les aéroports commençaient à fermer. On était à peine arrivés que la situation évoluait à une vitesse folle.
T : On a du chercher un vol pour la France, c’était un réel combat, tout était en train de fermer, même les hôtels de touristes qui étaient mal vus par la population locale. Une fois rentrés en France on se sentait plus soulagés que tristes.
Vous comptez repartir après tout ça ?
T : Oui si possible ! On pensait pouvoir repartir en juillet, mais c’était candide de notre part de croire ça. Ce sera plus tard.
Après ces six premiers mois de voyage, qu’est-ce que vous pensez de votre expérience ? C’était apparemment majoritairement positif ?
T : Si on a eu des problèmes on ne s’en rappelle pas, ou bien ça ne devait pas être si grave que ça. La seule galère ça a été Madagascar quand on était dans la jungle, seuls au milieu de nul part, et j’ai eu 40°C de fièvre pendant deux jours, [Ndlr : « c’est pas top »a dit Théo]. Finalement ça s’est bien fini, on s’est arrangés avec des personnes de villages voisins.
I : Sinon on n’a pas eu de problèmes de santé, pas d’affaires volées… On a eu quelques petites galères un ou deux soirs parce que c’était compliqué de trouver un logement, mais on trouve toujours une solution. Il faut rester alertes, ouverts. On s’était beaucoup préparés et on avait cherché des renseignement, on savait donc comment réagir en fonction des situations, par exemple choisir telle ou telle banque, ce sont des réflexes qui nous ont permis d’éviter les problèmes.
T : Il faut être prêt à subir des situations désagréables, par exemple à passer 13 heures de bus avec la musique au maximum qui vrille les tympans, quelqu’un qui rentre pour jouer dur tambour, un jour où il fait extrêmement chaud. On n’en pouvait plus sur le moment mais maintenant on en rigole. Tout dépend de comment on prend la situation, il faut s’adapter.
I : C’est pareil pour les logements que pour les moyens de se déplacer, il faut faire face aux galères. Parfois il y avait des souris sous le lit, c’était pas agréable sur le moment mais ce n’est pas un mauvais souvenir pour autant.
Quand vous aurez fini vos voyages, dans 1 an et demi environ maintenant, vous voudrez repartir ou est-ce que vous vous poserez un peu ?
T : -C’est difficile de se projeter dans 1 an et demi, nos personnalités changent avec le temps.
I : Je pense que je voudrais plutôt me poser, en gardant ces envies de voyages pour les vacances par exemple. Après à peine six mois on a quand même besoin d’un coin d’ancrage, un chez soi. On verra comme ça vient. Théo est plus attiré par le côté voyage et découverte, mais l’idée reste quand même de devenir parfumeurs.
Merci beaucoup !
Louise Tavera
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